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Peur de la mère-patrie

Le temps a passé vite depuis le début de mon projet en recherche-création à l'Université de Montréal dans le cadre d'un D.É.S.S. en art, technologie, création! Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous inviter au vernissage de l'exposition des finissants du programme qui aura lieu le 5 septembre 2024 à partir de 17 h au Carrefour des arts et des sciences au 3150, Jean Brillant. J'y expose mon oeuvre Peur de la mère-patrie qui s'articule sous forme d'une installation numérique interactive.


Une œuvre véritablement collective, car j'ai eu le privilège de collaborer avec l'artiste Stéphane Grise qui a fabriqué de ses mains - à partir d'un simple dessin et de bien bien de gesticulation de ma part - la sculpture de la mère-patrie, alors que je l'aidais ici et là. Dans cette tache nous étions aidés par l'incontournable Sylvie Desmarais. Merci à chère Alix Jeudy d'être venue nous prêter main-forte.


L'excellent artiste Samuel St-Aubin a fabriqué la farce électronique de la Mère-patrie et l'a programmée d'abord dans son atelier du Mile-End, ensuite à l'atelier de Stéphane.


Jéricho Jeudy a fait le montage des segments vidéos! Delphine Aloreca a composé la musique effrayante de la galerie des avalés par la Mère-Patrie (dans la bouche de la Mère-Patrie, se déroule une série des portraits - des adultes et des enfants innocents qui - depuis les années 30 jusqu'à nos jours - ont été aspirés par la spirale des répressions ou des «règlements de comptes» par le régime sanguinaire russe, de sa mouture bolchevik ou de la nouvelle mouture poutinesque.


Je dois dire que les dernières semaines de mon travail sur la sculpture étaient émotivement éprouvantes. Le travail se passait dans la joie, en si bonne compagnie de mes amis. Mais c’est la première fois de ma vie que j’ai décidé de créer un objet; et cet objet, cette personnification de la peur de la mère-patrie me touche et m’effraie. Être face à cet objet fini qui est sorti des pages en papier de la recherche théorique, esthétique, des ébauches sur le coin de table, des discussions… qui a arrêté d’être juste une vision et est devenu réalité, c’est très différent du fait d’avoir fini un film, une vidéo et c’est étonnamment confrontant.


Contrairement à l’aspect immatériel d’une projection d’un film, à sa durée limitée dans le temps, il y a la matérialité dans cet objet qui s’impose dans l’espace et qui me rappelle sans cesse sa raison d’être. C’est un genre de monstre que j’ai créé et qui agit sur moi. J’espère qu’il va au moins faire le même effet sur le public. J’ai déjà un témoignage d’un collègue qui m’a dit que son cœur lui débat quand il est face à ma Mère-Patrie. Accessoirement, il vient du Cameroun, un pays à la tête duquel se trouve le plus vieux dirigeant élu en exercice au monde, au pouvoir depuis plus de 40 ans.


Je ne sais pas s’il y a dans mon état actuel de la psychosomatisation, mais suite au travail à l’atelier (canicule + pollution), j’ai eu une pneumonie du côté gauche. Le médecin qui m’a vue aux urgences m’a dit que c’était précisément la partie du poumon vis-à-vis mon cœur qui était affectée. Donc l’inflammation est directement sur mon cœur. Et si je rajoute que la dernière fois que j’ai eu une pneumonie c’était quand j’habitais la Russie (enfant, j’en faisais à répétition), ça complète le portrait psychosomatique de l’artiste.

Pour conclure, j'espère encore et toujours la fin de cette guerre sordide. Peut-être l'armée ukrainienne va avoir du succès suite au déploiement du front sur le territoire russe. Visiblement, aucun prix n'est trop élevé pour les sordides dirigeants russes pour continuer à faire leurs sordides affaires.


Mon projet de la Mère-Patrie est une tentative de transmettre au public occidental la peur de son pays partagée par les habitants des pays totalitaires. Cette peur est une émotion complexe composée de plusieurs éléments : peur du futur, peur de l'inconnu, peur de l'humiliation, peur de ses voisins/collègues, peur pour ses enfants, le malaise, la gêne, le conflit moral intérieur.


Le point de départ de ce travail de recherche-création est ma propre peur de ma mère-patrie. La nuit du début de la guerre en Ukraine, seule dans mon salon à Montréal, à 7 mille kilomètres de mon pays natal que j'ai quitté il y a plus de 30 ans, j'ai eu les genoux tout mous, le cœur qui débat et des frissons - des symptômes de la peur.


Connaissez-vous cette peur? Je suis sûre que non! Mais j'aimerais vous entendre là-dessus!

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